mardi 7 février 2017

Tout est question d'incertitude, pas de prophétisme apocalyptique


  • L’Horloge de l’Apocalypse se rapproche de minuit
  • Le monde n’avait plus été aussi proche de l’autodestruction depuis 1953
  • La menace d’attaque nucléaire, le changement climatique et l’évolution technologique représentent des risques accrus
  • Pour la première fois, le Bulletin of Atomic Scientists a nommé un individu en particulier : Donald Trump
  • Les battages médiatiques devraient être ignorés et l’accent devrait être mis sur les incertitudes quant à l’avenir
  • L’or et l’argent enregistrent d’excellentes performances en période d’incertitude, et jouent le rôle de valeurs refuges
  • Les plus gros gestionnaires de fonds de Wall Street ont misé sur l’or face aux incertitudes actuelles
Nous voilà deux minutes et demie avant minuit. Le temps s’écoule inexorablement, et le danger est partout. Les autorités publiques devraient agir immédiatement, guider l’humanité à l’écart de la falaise. Si elles ne le font pas, les citoyens les plus sages devront se présenter en bergers - Bulletin of the Atomic Scientists, janvier 2017.
J’espère que vous n’avez pas oublié de remonter vos pendules la semaine dernière, pas celles qui indiquent le temps, mais celles de la fin du monde. J’espère aussi que vous ayez cochés quelques cases sur votre liste de choses à faire avant de mourir, parce qu’il s’avère que l’énergie nucléaire, le changement climatique, les politiques nationalistes et la technologie nous aient fait avancer d’un pas de plus vers l’Apocalypse.
L’Horloge de l’Apocalypse, qui est réglée par le Bulletin of Atomic Scientists, a été avancée de trente secondes la semaine dernière, et indique désormais deux minutes et demie avant minuit. Elle n’avait plus été aussi proche de minuit depuis 1953, alors que l’Union soviétique testait sa première bombe à hydrogène, neuf mois après que les Etats-Unis ont testé la leur.
« L’Horloge est universellement reconnue comme un indicateur de la vulnérabilité du monde face aux catastrophes, depuis les armes nucléaires jusqu’au changement climatique, en passant par l’émergence de nouvelles technologies dans divers domaines. » - Bulletin of Atomic Scientists
L’Horloge de l’Apocalypse a été avancée de 30 secondes parce que le groupe de scientifiques estime qu’en 2016, le paysage global s’est assombri à mesure que la communauté internationale a manqué de répondre aux crises existentielles les plus pressantes de l’humanité : les armes nucléaires et le changement climatique.
Le bulletin reconnaît que les perspectives de changement climatique n’ont pas changé au cours de l’année dernière, mais s’inquiète du manque d’action. Il mentionne également son inquiétude face à la technologie et certains domaines d’évolution technologiques susceptibles de représenter une menace pour l’humanité. En 1947, il mentionnait une technologie susceptible de détruire la planète : le nucléaire. Aujourd’hui, il en existe plusieurs.
Ce sont cependant les élections présidentielles aux Etats-Unis et les commentaires du président Trump qui semblent avoir poussé les scientifiques à avancer l’Horloge. Le bulletin mentionne la montée du nationalisme apportée par l’élection de Trump, et s’inquiète des positions de Trump quant aux armes nucléaires et au changement climatique.
Bien que les codes d’accès nucléaires et le changement climatique n’aient pas tant concerné le président, ce n’est pas la première fois que des termes apocalyptiques ont été utilisés depuis son arrivée au pouvoir. Trump s’est même fait un plaisir, à l’occasion de son discours d’investiture, de dépeindre le « carnage américain » qu’il perçoit aujourd’hui au travers des Etats-Unis.
Les scientifiques contre Trump
Le bulletin stipule clairement qu’il se concentre normalement sur les tendances de long terme (et non sur le comportement d’un président qui pourrait n’être au pouvoir que quatre ans), mais :
« …les déclarations d’une seule personne – notamment celle faites avant son investiture – n’ont pas historiquement influencé notre décision d’avancer l’Horloge de l’Apocalypse.
Mais le déclin de la confiance du public en les institutions démocratiques chargées de gérer les menaces globales affectent la décision de notre conseil. Et cette année, les évènements qui ont accompagné les élections présidentielles aux Etats-Unis – dont les cyber-attaques et l’apparente intervention de la Russie dans le processus électoral – ont remis en question la démocratie américaine et les intentions de la Russie, et mis le monde plus en danger qu’il ne l’était l’année dernière. »
Cette décision du Bulletin of Atomic Scientists est une affirmation, comme l’explique Lawrence Krauss, directeur du conseil des commanditaires du groupe. « Six jours après son investiture, ses actes parlent déjà plus que ses paroles, et nous souhaitons que les gens comprennent que nous n’avançons pas dans la bonne direction ».
Absence de faits et narcissisme moral
Nous avons abordé hier les actualités alternatives du gouvernement. Le Bulletin of Scientists s’inquiète également des effets d’une telle hyperbole sur les décisions relatives aux menaces existantes :
« Des hommes et des femmes instruits nous ont un jour dit que les politiques publiques ne s’établissent pas en l’absence de politique. Mais en cette année peu habituelle, nous avons un corollaire à proposer : les bonnes politiques prennent la politique en compte, mais ne laissent jamais de côté les expertises. Les faits sont têtus, et devront être considérés si nous voulons préserver l’avenir de l’humanité sur le long terme. Les armes nucléaires et le changement climatique sont précisément le genre de menaces complexes qui ne peuvent pas être gérées sans l’accès au savoir des experts. »
Il y a ici un élément évident de narcissisme moral, et des deux côtés – Trump, et les scientifiques. Les deux camps pensent en savoir plus que l’autre, et se pensent plus aptes que l’autre à influencer les politiques établies.
Nassim Taleb a écrit sur ce phénomène sur son blog, Intellectuals but Idiots, et nous dit que « cette classe d’experts paternalistes et semi-intellectuels sortis de l’Ivy League ou de Cambridge pense pouvoir nous dicter 1) quoi faire, 2) quoi manger, 3) comment parler, 4) comment penser et 5) pour qui voter.
Les mots de Taleb sont peut-être un peu durs, mais ils nous expliquent clairement comment des groupes de pensée autoritaires tels que le Bulletin of Scientists peuvent eux-mêmes avoir encouragé des politiques nationalistes et mis Trump au pouvoir.
Il nous est aussi nécessaire d’observer le point de vue de Trump, qui se trouve renforcé par ceux qui gravitent autour de lui. Les gens n’ont pas tendance à penser que ceux qui influencent la politique cherchent à prendre soin d’eux et à s’occuper de ce qui importe vraiment pour la vie de tous les jours.
Dans I Know Best, Roger Simon nous écrit que « c’est ce genre de narcissisme de groupe qui en pousse certains à se penser meilleurs qu’ils ne le sont vraiment, parce qu’ils ont les mêmes idées reçues et conventionnelles que leurs semblables. C’est un système de récompense mutuelle ».
Tout est question d’incertitude, et pas de prophétisme de l’Apocalypse
Nous pourrions dire que les mises en garde des scientifiques et le narcissisme moral de même degré dont fait preuve Trump lorsqu’il se dit vouloir travailler pour le peuple sont contreproductifs. Voici ce que nous en dit Will Boisvert :
« Le prophétisme de l’Apocalypse distord systématiquement notre compréhension du risque, et nous hypnotise par des scénarios sensationnels qui nous distraient des risques mondains qui sont objectivement plus importants. Pire encore, il peut amoindrir plutôt que galvaniser les efforts de résoudre les problèmes globaux. En observant les risques comme étant infinis, il devient plus difficile de les mesurer, le des prioriser et de les équilibrer, ou encore de contenir les plus petits afin de mitiger les plus gros. La conséquence peut en être une paralysie. »
Je suis tout à fait d’accord. La décision d’avancer l’heure indiquée par l’Horloge de l’Apocalypse a beaucoup fait parler d’elle, mais à quelles fins ? Cette information nous apprend-elle autre chose que le fait que ce groupe de scientifiques n’apprécie pas Trump ? Le commun des mortels n’en tire aucune information utile.
Anders Sandberg, chercheur au Future of Humanity Institute de l’Oxford Martin School, à l’Université d’Oxford, écrit sur les conséquences de ces distorsions pour les tentatives de classifier ces dangers et sur notre perception du risque. « Il y a de fortes chances qu’au moins une de ces prédictions se trompe. Il est peut-être plus utile de prendre en compte l’incertitude. »
Sandberg a raison, mieux vaut considérer le niveau d’incertitude à un moment donné, ainsi que les risques connus. Nous ne connaissons véritablement les risques qu’après-coup, et il arrive bien souvent que nous ne parvenions pas à en déterminer la cause ou le catalyseur.
Ce que nous savons, c’est que rien n’est certain, et qu’il semblerait que nous vivions aujourd’hui dans un monde plus incertain que jamais. Ce que nous savons également, c’est que l’or et l’argent enregistrent d’excellentes performances en période d’incertitudes accrues, et qu’ils pourraient être forcés à la hausse par la présidence de Trump et les mouvements des plaques économiques tout autour du globe.
Face à l’incertitude, achetez de l’or
Un peu plus tôt cette semaine, nous avons publié un résumé de Reassessing the Role of Precious Metals As Safe Havens – What Colour Is Your Haven and Why?, par le Dr. Brian Lucey et Sile Li, du Trinity College et de l’école de commerce Trinity, à Dublin, qui se penche sur les propriétés des valeurs refuges que sont les quatre métaux précieux (or, argent, platine et palladium) contre celles des actions et obligations, dans onze pays.
Dans cette étude, les auteurs ont tenté d’identifier les déterminants politiques et économiques robustes des propriétés de valeur refuge des métaux précieux. Ils en concluent que « les incertitudes en matière de politiques économiques sont un déterminant positif et robuste du rôle des métaux précieux en tant que valeurs refuges, indépendamment des pays ».
Le Bulletin of Atomic Scientists manque de se pencher sur le système financier, bien qu’il mentionne la montée du nationalisme comme un facteur clé du risque nucléaire. Je suis d’avis que les risques économiques devraient toujours être pris en considération.
Et je ne suis pas le seul. Reuters a récemment rapporté que l’or est devenu la valeur refuge favorite de certains gestionnaires de fonds de Wall Street :
Certains des plus gros gestionnaires de fonds de Wall Street ont misé sur l’or face aux méthodes employées par le nouveau président américain et les élections imminentes en Europe, qui devraient générer davantage de volatilité sur les marchés et renforcer le rôle du métal en tant que valeur refuge.
Les gestionnaires de fonds de chez IVA, Ridgeworth et Fidelity comptent parmi ceux qui ont adopté une position haussière sur l’or, à une heure où le VIX, l’indice de volatilité de Wall Street, est au plus bas sur deux ans face à une reprise du marché boursier qui a fait grimper le S&P500 de 6,5% depuis les élections de novembre.
Conclusion – l’incertitude est une bonne chose pour l’or
En guise de conclusion, le Bulletin of Atomic Scientists stipule que « les délibérations de cette année ont été plus urgentes que d’habitude. Parmi les sujets qui inquiètent les scientifiques figue le fait que les chefs d’Etat du monde n’ont pas suffisamment progressé face aux turbulences continuelles ».
Je suis d’avis qu’il en va de même pour le système financier et le désastre systémique global qu’il est devenu ces quelques dernières années. Comme je l’ai déjà dit suite à l’élection de Trump, je m’attends à une forte dose d’incertitude et de volatilité au cours des mois et années à venir. Bien que nous ayons maintenant une idée de la méthode de gestion gouvernementale de Trump, les inconnues restent nombreuses aux Etats-Unis comme dans le reste du monde.
Les investisseurs devraient ignorer le narcissisme moral des élites, des politiciens et des scientifiques, et se préparer à l’incertitude à venir en diversifiant leur portefeuille sur l’or et sur l’argent. Ces dernières années et au fil des âges, les deux métaux précieux ont protégé les investisseurs et les épargnants face à l’incertitude, économique comme politique. 

Conclusion #2: le temps est un instrument politique 

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